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La pièce pour orchestre à vents Éloge de la Raison a été inspirée par la lecture du livre du philosophe américain Michael Lynch, duquel j’ai emprunté le titre.

A une époque où les émotions sont considérées quasiment comme une valeur absolue, où parfois l’expression de celles-ci se déchaîne sur les réseaux sociaux, j’ai trouvé que rappeler la valeur de la raison prenait tout son sens. La raison est une faculté humaine universelle, et qui a vocation à nous rassembler, qui nous permet de rechercher la vérité, et de nous mettre d’accord. L’esprit des lumières est également convoqué, ainsi que la capacité de la raison à clarifier les pensées, à sa capacité de discernement des émotions, à trouver l’ordre à partir du chaos. L’idée maîtresse de clarification progressive traverse la pièce, à travers différentes formes. Au-dessus de formes mouvantes culmine une énergie lumineuse, et après un apogée sonnant comme une célébration s’ensuit un mouvement rapide, empreint d’une humeur joyeuse : la joie de comprendre, la joie du partage, la joie du rationnel.

« Que dois-je faire de bien aujourd’hui ? » Chaque matin, Benjamin Franklin se posait cette simple question, dans sa routine vertueuse. J’ai trouvé cette citation alors que je lisais des écrits sur les habitudes quotidiennes des grands hommes, après avoir commencé à composer cette pièce. J’ai senti instantanément que cette phrase ferait un titre parfait pour cette musique. La vision que j’en avais premièrement était celle d’une pièce joyeuse, pleine d’une énergie bienveillante et du genre d’humeur qui nous habite lorsque l’on s’est réveillé bien reposé, que l’on prend un bon petit-déjeuner et que l’on commence sa journée avec enthousiasme, décidant ce que l’on projette d’achever avant la fin de la journée.

Chacun peut faire sienne cette question. Je crois qu’elle est fondamentalement universelle. Non seulement Benjamin Franklin était un des pères fondateurs des États-Unis d’Amérique, mais il était aussi un homme qui travaillait continuellement à s’améliorer. En d’autres termes, il peut être une inspiration pour chacun d’entre nous, nous incitant à essayer de devenir de meilleures personnes et à accomplir de grandes choses. Un pas après l’autre, tâchant d’avancer grâce à des efforts constants, avec courage et patience.

La musique de la pièce n’est pas programmatique. Elle est construite en trois mouvements liés l’un à l’autre, mue presque en permanence par une vigoureuse pulsation rythmique. La pièce commence dans une humeur vivante, dynamique, et évolue vers un thème brillant à la fois swinguant et proche du style d’une fanfare. La musique se termine dans un mouvement joyeusement dansant avant de conclure triomphalement.

« Présence
simple présence
dénuée d’heure
d’âge de siècle même,
simple et somptueuse
présence

face à la houle océane
au va-et-vient sans fin
de la vague
au souffle au rythme de sa rumeur
obsédante obsédée.

Somptueuse magnificence
simplement être

respirer

être cette vie
qui respire

face à l’océan
à son ample et tumultueux respir. »

Georges-Emmanuel Clancier

« The mind which has become accustomed to the freedom and impartiality of philosophic contemplation will preserve something of the same freedom and impartiality in the world of action and emotion. It will view its purposes and desires as parts of the whole, with the absence of insistence that results from seeing them as infinitesimal fragments in a world of which all the rest is unaffected by any one man’s deeds. The impartiality which, in contemplation, is the unalloyed desire for truth, is the very same quality of mind which, in action, is justice, and in emotion is that universal love which can be given to all, and not only to those who are judged useful or admirable. Thus contemplation enlarges not only the objects of our thoughts, but also the objects of our actions and our affections: it makes us citizens of the universe, not only of one walled city at war with all the rest. In this citizenship of the universe consists man’s true freedom, and his liberation from the thraldom of narrow hopes and fears. »

Bertrand Russell, On the Value of Philosophy.

© Charles van Hemelryck 2022