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POÉSIE

A Benjamin Franklin, « What Good Shall I Do This Day? », 21 juin 2021

Chaque matin, cette seule et même question,
Vouloir, prévoir, agir :
Que faire de bien, et bien le faire.
Pour chaque jour, une mission :
Écrire un plan, avoir les idées claires ;
Ce qui prime, ce qui vaut, ce qu'il faut.
D'une minute, d'une heure, d'une journée,
Chaque pas, chaque action
Te mènent vers ton humble gloire
Ou ton échec éphémère.
N'est irréversible que ta mort,
Toute aube est une nouvelle chance :
Saisis-la.
Ne tergiverse pas.
Chaque soir, cette seule et même question.
Examiner, évaluer, complimenter.
Ton démon saura t'offrir les mots attendus,
Et tu trouveras, en un unique endroit,
La joie du succès et la paix de tes choix.

27 septembre 2021

Porter sur les cimes la plus rouge des vérités,
Endurer l'attente,
Assumer le cœur et la flèche,
Faire une croix sur l'immensité des belles roses
Pour écouter son plus profond désir.
Expression nette, directe,
Communiquer ses limites,
Se décider, décider pour deux.
Au mot limpide, des phrases inversées.
Se heurter à l'Autre, aveuglé, enveloppe sans mots.
Fleuve sans estuaire ni source,
Objet sans projets, reproches sans nom,
Pont sans rives ni fondations,
Cent routes perdues, sang noir, s'en aller.
Au serment précoce, la question négative.
Danse sans passes,
Cordes sans brins aux nœuds impossibles,
Du chemin de soi, distancier le fantôme.
Refuser toute ruse. Ne pas détériorer.
Surtout, ne rien abîmer. Aucune violence.
Au sens, ses conséquences.
Sauver sa peau d'un irréversible constat.
Fuir le refuge insensé d'une passade.
Être seul. Fortitude.
Au courage de la solitude, braver la perte et l'inconnu.
Renoncer.
Suggérer l'estime, vouloir consoler, abandonner pourtant.
Intègre, capable d'avancer, énergie solitaire.
Numéro vide
Face absente ?
Déception de l'échange dernier...
Tristement finir
Deuil
Colère
Passé 
Oubli
De ce tendre respect, de ce qui fut amour, l'apaisement,
Et la fierté d'être sincère.

26 septembre 2021

A travers les vitres humides,
Le gris de l'humeur,
Le noir de son cœur,
Il ne dit rien.
En-dessous du ciel très lourd,
Les paroles creuses,
Les rumeurs affreuses,
Il se retient.
Le jour de trop,
Le mot de trop :
Tout vacille.
Percer,
Trancher,
Sang vif :
Les yeux vrillent.
Les autres sont là.
Découvrent, appellent, attendent.
Secours porté, vie sauvée,
Mais la route est la même.
Au-dedans des portes fermées,
Des murmures sensibles,
Des substances terribles,
Il se tord.
Par-delà les murs froids,
La parole maudite,
La parole mensongère,
Il s'endort.
Choisir :
Silence ou verbe,
Obscur ou clair.
Quelle vérité ?
Revenir pour partir.
Éclair de liberté.

Lyon, août-septembre 2021

VISION

Du désert désolé, le destin s'accomplit :
Brûlées sont les terres des arbres desséchés,
Pas une feuill', pas une grain', aucune vie,
Mais le vent s'exhal' comm' un dernier soupir.
D'un mot, d'un seul, l'absence à jamais,
Perdus pour toujours, les instants que j'aimais.
Fulminer de ne rien dire, vouloir tout casser ;
Sèches sont les larmes, pénibles larmes frustrées.
Ne repose sur rien le futur : qu'en est-il ?
Instable temps, couper tout lien, amour hostile.
Et pourtant, tu te réveilles,
De l'autre côté de l'horizon.
Si même le soleil était noir,
Percevrais-tu des ombres encore ?
Il n'est rien de pareil. Mais tes mains qui façonnent,
Tes yeux qui transfigurent et ta bouche qui passionne,
S'ouvrent tes paroles de promesses tenues
Et la douceur advient de tes caresses nues.
Joie parmi toutes les joies,
Un monde plus vert que l'émeraude t'attend,
Des jardins célestes, l'étreinte chaude s'attardant ;
Vois :
L'herbe pousse, plus haute que ta foi.

2018

Il est un temps
où ce n'est plus le temps
de dire :
J'ai encore le temps.
L'urgence de vivre l'intense
L'impératif de l'heure véritablement vécue
On ne sait pas, jamais,
Ce qu'il nous reste,
Ce que le vent du destin nous laissera respirer.
Alors,
L'essentiel,
C'est de saisir l'instant du rire et du regard profond.

18 février 2012

Caresser la feuille blanche, la promesse d'un jour.
Ouvrir les yeux dans l'accueil du sourire.
Serrer une main, serrer un corps d'avenir.
Présent fabuleux, présent du miracle,
Et l'horizon aux mille lumières de resplendir au-delà de tout espoir.

2014

Si, dans ton voyage, la terre venait à trembler sous tes pieds,
Si, dans ton naufrage, nulle lune ne dissipait l'obscurité,
La nature de ta volonté en serait-elle changée ?
Quand tout ce qui t'entoure semble défaillir
Et que les doutes et les pleurs t'empêcheraient de bâtir,
Quand bien même s'échapperait
L'espoir lointain de l'azur,
Il est une flamme qui ne t'oublie pas.

Trois poèmes pour les Trois Rêveries, pour piano.

I

A peine le vent ride-t-il la surface
tandis que s'écoule le souvenir
une voile nonchalamment sinueuse
Tout ce temps
lentement
presque le vide
Rien de plus calme au-dehors comme en-dedans
Soudainement
L'image de cet enfant fragile
Son regard dit : "pouvez-vous m'aider ?"
Est-ce vraiment un voyage ?
N'est-on pas déjà arrivé ? Déjà ?
Il n'y a rien de plus, rien d'autre.

II

Crois, mon être, crois
Que même dans l'ombre des crépuscules
Se dessinent les contours de mondes nouveaux
Vois, mon être, vois
Comme même l'ouragan fait place à la dévente
Et que des vagues ne reste qu'une onde plus paisible
Il en sera toujours ainsi, mon être,
De la confrontation, de l'affrontement, du dépassement,
Épreuves, épreuves sur épreuves encore
Quoi donc de tout cela ?
La lueur de presque demain
Source de l'effort inépuisable
Et
Une paix durable
Oui, mon être, demain.

III

Dans la fraîcheur du matin, la chaleur commençante,
douce et tendre,
accompagne calmement
un regard d'espoir, tout blanc.
Petit enfant aux mains minuscules,
aux petons si mignons,
à la tête presque ronde,
au sourire de lumière,
tu ris à chaque étincelle de joie,
tellement, tu ris tellement !
Respire, petit petiot,
respire en confiance, pleinement,
ici, ta valeur est plus que reine:
tout est gentil dans ce qui t'entoure.
Paupières éveillées,
les tintements magiques de ton carillon coloré
appellent l'avenir de tous ses sons mêlés.

19 juillet 2020

Respiration contrainte, au commencement,
L'humeur déjà excitée s'alourdit encore ;
Les fissures du corps, comm' un craquèlement,
S'ouvrent sur le destin, à l'heure de la mort.
La nuit est imminente, le tambour, palpitant ;
Elle annonce la perte, et la peur du temps.
C'est si soudain, des secondes comme des heures :
Nocturne éternel, une vie contr' un cœur.
Le sol, comm' une mer levée, haute, cassée,
Perturbe chaque pas, je ne marche plus droit.
Ma tête dans un étau, l'esprit fracassé,
Tout chancèle, ou je titube, maladroit.
Il y avait là-bas des maisons éclairées,
Il y avait aussi des silhouettes figées,
Mais le venin des mots choisis pour rendre fou
Les a transfigurées en un horrible écrou.
Au paroxysme de l'angoisse écarlate,
Une brutale désorientation totale
Te laisse intoxiqué, mordu par le crotale
Au sang froid, au masque double du psychopathe.
Rituel trouble, secret malsain, passé caché,
Des suites tremblantes, l'avenir souterrain
Tirera le chemin de ton sein arraché : 
Pour toute malédiction, un retour serein.

14 juillet 2020

Ce n'est pas d'où tu crois que viennent les rayons de lune
Que les charmes mystérieux t'ensorcèleront tendrement.
Si tu savais comme les façades peuvent être trompeuses,
Si tu entendais comme certains chants sont factices.
Tu n'as pas encore l'âge de saisir les leçons de l'âge,
Et pourtant tu endures déjà ses premières défaites.
Ne dis plus : jamais,
Ni toujours, ni absolument.
Garde-toi du noir et du blanc :
C'est des nuances que vient la saine tempérance.
Sache ceci :
Il y a tellement plus qu'un oui ou qu'un non
Lorsque la porte s'ouvre sur un monde encore inconnu.
Viendra-t-elle ? Sauras-tu la reconnaître ?
Vers là-bas d'abord, le saut de l'audace :
Deux univers incroyablement divers ;
Deux univers, et l'univers qui nous contient.

10 décembre 2019

 Celui qui n'en peut plus, celui qui, obsédé par le noir,
a presque tout perdu : qui lui rendra son talent ?
Ses pensées sont d'un rouge profond
de ce qui coule lorsqu'on s'en va
(minable volonté,
torture interminable).
 Qu'est-ce qui retient l'écorché de sauter ?
Celui aux cicatrices encore discrètes,
celui qui craint la vie du jour comme le vide du soir :
il s'agrippe lâchement, voulant tout autant
qu'on le laisse
ou qu'on le sauve
en même temps .
 Ne pas savoir : au bout du peut-être, un sans doute, mais quand ? 

26 novembre 2019

Dans le livre des lendemains
Se trouvent les doigts unis et la fraîcheur du rire,
Les cieux de ses lèvres et l'oiseau de ses yeux.
Dans le livre de ses mains
Se lisent de petites étincelles;
Elles embrasent l'espérance,
Le projet d'un ensemble et le projet d'un plusieurs.
Dans le livre du chemin,
Les chances s'enlacent, les corps s'embrassent,
Le miracle intime caresse le lien d'une vision soutenue.
Il est écrit dans le livre de demain
Que les peines s'adouciront,
Que les terres fleuriront,
Et que règnera sur ton front une liesse jamais connue.

12 novembre 2019

 Ton front fut si longtemps couvert de nuages,
Les yeux faux t'ignoraient, le non-dit saccageait,
Et la gifle du réel t'imposait de douloureux virages.
 Tu criais sourdement depuis la crevasse noire,
Te rapprochant prise par prise d'une délivrance éternelle,
Mais tu chutais souvent, perdant parfois courage.
 Abandonne les labyrinthes des visages faussés,
Laisse la surface aux passants de l'oubli :
Tu respires l'océan, tu portes la beauté,
Celle qui transfigure les maux vissés dans ton corps.
 Je pense à toi qui luttes,
 Je pense à toi qui sais l'obscur,
 Je pense à toi qui cherches,
 Je pense à ton avenir radieux,
 À toi, lumière de toutes les lumières. 

5 novembre 2019

 Et du vent tu sentiras l'effroi de l'inexistence-même,
Quand le temps ne suffira plus pour couvrir tes failles.
Viens, viens, brume épaisse, cacher le chaos sans fin,
Et masquer l'étouffante pénombre déjà bien trop sombre.
 À la limite du froid perçant et du tremblant vertige,
Le présent désemparé couve l'erreur dangereuse et déchire
Le silencieux regard qui fut un jour illuminé,
Prodigieux élan pour toujours rendu mirage.

Trois poèmes pour la sonate pour cor et piano Au large, l’étendue.

I.

Au large, l'étendue
Le lointain n'est plus un rêve :
Il est là, devenant l'ici
Sans trace humaine autre que soi-même.
 Dans la plénitude de l'horizon ouvert,
Le fond de l'être sourit doucement.
L'élan intérieur résonne comme s'éveille l'esprit.
 Rondeurs aurorales, pleines de lumière douce,
Rayonne le regard porté vers l'ailleurs
Que seul arrête le firmament.

II.

Des ténèbres la mémoire
- souvenirs de guerre et de paix
(mais de guerre contre toi-même surtout) -
S'efface, tranquillement.
 Gonflé d'espoir, de bonheur et de vie,
Marche, marche au-devant
D'un pas sûr et serein,
Puissant et souverain.
 Car le grandiose t'appartient,
Car le souffle te traverse,
Car en toi s'émerveille, une nouvelle fois,
Le désir du midi et de son évidente clarté.

III.

Fugace
Rebond furieux,
Dans la course intrépide,
Ton énergie frénétique dans son incessante ascension,
Passe par les flammes,
Dépasse la première montagne
Et les reliefs suivants aux accents de foudre 
Vivace
Brûlure violente,
Sur ton chemin tortueux,
Attaque l'ombre de l'échec,
Traque les pousses du désespoir
Et les fosses obscures de sa mélancolie tenace.
Et s'il le faut, reviens
sans revenir tout à fait :
La vie que tu conquiers,
Quand bien même tu la perdrais à jamais,
Tu l'auras toujours eue.

6 avril 2014

Vagabond du vrai, voyageur du destin,
Pointent en toi le lointain souvenir du sang,
Les gestes éperdus d'une course effrénée;
En toi s'ouvre encore la plaie
Cent fois rouverte, cent fois guérie.
Tremblent la sauvage violence
La puissance du regret qui te pousse avec rage
Vers d'autres collines, d'autres villes, d'autres rivages.
Vagabond du vrai, voyageur du destin,
Sauras-tu trouver toujours en toi-même
La montagne impassible et le paisible matin ?

© Charles van Hemelryck 2022